Le marché des bières sans alcool en ébullition !

Des spiritueux aux vins légers, en passant par les apéritifs anisés et les champagnes, les versions sans alcool ou « désalcoolisées » de certaines boissons sont en pleine explosion sur le marché français. Naturellement, la bière n’échappe pas à ce phénomène. Brève explication sur une tendance lourde.

Des consommateurs ont changé de comportement

Alors qu’un Français consommait en moyenne 200 litres d’alcool par an en 1960, il n’en consomme plus que 80 litres, selon l’Insee en 2018. C’est principalement le vin que les Français délaissent, sa consommation a été divisée par 3,5 en 60 ans. Les motivations sont nombreuses : faire des économies, améliorer sa santé, boire moins mais mieux, la peur du gendarme, etc. Et certainement aussi la mise en pratique des actions de prévention (la Loi Évin date de 1989).

Les jeunes adultes participent aisément au Dry January
Les jeunes adultes, plus attentifs à leur santé, participent aisément au mouvement Dry January.

Les jeunes adultes (surtout les Millennials) seraient même plus attentifs à leur santé, d’où le développement de mouvements tels que le Conscious Drinking (Dry January ou Sober October…). Selon un sondage de YouGov de 2020, 68% des Français estiment que ne pas boire d’alcool est une bonne chose lors du Dry January. Une tendance qui boostent les ventes de bières sans alcool, notamment en grande distribution.

Pourtant, dans ce contexte, la bière tire son épingle du jeu (+4 litres par an en 2018 par rapport à 2010) avec des nouvelles offres sans alcool qui séduisent surtout les jeunes. Entre janvier 2021 et 2022, la hausse est de 43% alors qu’elle n’était que de 33% entre janvier 2020 et janvier 2021.

Boosté par les produits industriels bien marquetés

Le succès de ces boissons sans alcool s’explique notamment par une offre qui s’est largement étoffée dernièrement. Quasiment inexistantes il y a dix ans, ces bières représentent aujourd’hui 3,6% du marché total. En cinq ans, les bières sans alcool ont enregistré une croissance de 147%, soit la plus forte progression du secteur des brasseries indépendantes, lequel a augmenté de 45%, à 4,2 milliards d’euros (source : www.lsa-conso.fr).

Kronenbourg sans alcool

Surfant sur cette vague, des industriels proposent une large gamme de bières aux styles différents (Tourtel, Hoegaarden, Carlsberg, Heinneken, Brooklyn, Lagunitas, Jade, Brewdog, Leffe, Jupiler, etc.). Ces gros brasseurs industriels innovent et sortent régulièrement de nouveaux types de bières grâce à leur prodigieuse force de frappe. Ils nous avaient fait le coup avec les fameuses bières dites de « dégustation », les aromatisées et les bières dites d’abbaye (sans en être réellement…).

Afin de contourner la loi Évin, les industriels sont imaginatifs. À l’occasion de l’Euro 2016 de football, par exemple, le groupe Kronenbourg a communiqué sur sa bière sans alcool Tourtel Twist. D’autres inventent des marques alibis. Ainsi, pendant les matches de Ligue des Champions, organisés en France et uniquement en France, le nom Heineken sur la panneaux publicitaires est remplacé par le slogan Enjoy Responsibly aux couleurs de la marque. Ce contournement est légal.

Une nouvelle source de croissance pour les artisans

Le brassage sans alcool offre un excellent terrain de jeu pour les brasseurs passionnés et inventifs. Certains se sont lancés goulument. La brasserie Edmond bière sans alcool (Grenoble) propose déjà une gamme entièrement sans alcool (blanche, brune, IPA et bonde). Mais d’autres collègues disposent déjà dans leur offre d’une bière peu alcoolisée.Gamme brasserie Edmond

Citons, par exemple :

  • la Brasserie de Bretagne (Dremmwel),
  • la brasserie la Guernouillette (La Poutrel),
  • le Moulin des Moines (Bondy Free),
  • la FrogBeer (la gamme Incroyable),
  • la Brasserie De Vezelay (la 0.0),
  • La Brasserie Fondamentale (L.B.F),
  • la brasserie la Débauche (Candy Shiba ou Wild Lab Stout sans alcool),
  • la brasserie De Sutter (À la Cool).

De chouettes bières avec un faible taux d’alcool ! La liste n’est pas exhaustive… Les artisans suivent (ou le précèdent…) le mouvement pour répondre à la demande de leur clientèle à la recherche de bonnes bières brassées près de chez eux mais sans alcool. Bien que de nouveaux investissements soient nécessaires, ce créneau offre de nouveaux débouchés pour maintenir une activité rémunératrice. En parallèle, certains proposent de la limonade ou des alcools forts (gin, rhum, whiskey et autre vodka).

Comment fabrique-t-on une bière zéro alcool ?

Il est possible d’éliminer l’alcool de la bière (rarement à 100% mais quand même…) à deux moments : lors du processus de fabrication ou après. Pour y parvenir pendant le brassage, il existe deux procédés : la fermentation basse et la fermentation rapide. Dans le premier cas, la bière est brassée lentement à faible température afin de ne pas extraire trop de sucres. On peut également utiliser des levures moins actives.

Pour la fermentation rapide (méthode la plus utilisée), il est nécessaire de stopper brutalement la fermentation après un début classique. La bière obtenue est peu pétillante et il faut donc rajouter du gaz carbonique pour pallier le manque de bulles. Pas terrible. Afin de limiter la transformation des sucres fermentescibles en alcool, le brasseur peut utiliser moins de malt dans ses recettes. Mais comme c’est le malt justement qui donne son goût à la bière, il préfèrera des malts spéciaux pour garder une saveur suffisante. Pas simple.

Certains brasseurs privilégient alors d’éliminer l’alcool à la fin du processus. Par filtration, par exemple. La bière est alors mise sous pression, puis passée à travers une membrane organique qui retient les molécules d’alcool. Des artisans favorisent l’évaporation. Dans ce cas, la bière est chauffée pendant 30 minutes à 80°C afin de faire s’évaporer l’éthanol. Enfin, d’autres utilisent la distillation sous vide. Ici, la bière est chauffée à une température de 35 °C sous vide pendant plusieurs heures pour faire descendre le titre alcoolique tout en préservant les arômes.

Des bières sans alcool… alcoolisées

Selon la législation française, une bière peut être désignée « sans alcool » lorsqu’elle contient moins de 1,2 degré d’alcool par volume. La réglementation belge autorise la mention « sans alcool » pour les bières ayant une teneur en alcool de 0,5% maximum. Je pose alors une question : des bières sans alcool qui contiennent de l’alcool, on marche sur la tête, non ? Quid des femmes enceintes et des personnes alcoolo-dépendantes ?

Des pays musulmans tolérants avec les bières sans alcool

Selon la religion musulmane, l’alcool est interdit. Toutefois, la tolérance est plus ou moins stricte. Dans certains cas, l’interdiction d’acheter ou de participer au commerce de l’alcool est totale. Ailleurs, les boissons avec de faibles taux (moins de 1 %) sont tolérées au prétexte qu’il n’est pas possible d’être saoul avec un taux si faible.

La brasserie Caulier brassait La Sultane la première bière belge halal.

Les bières sans alcool vendues au Moyen Orient représentent le tiers des ventes mondiales. Des habitants de pays respectant strictement la tradition musulmane comme, l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Égypte et les Émirats Arabes Unis, en consomment. Il existe même une certification Halal pour la bière. La Moussy, du groupe Carlsberg et la Sultane, la kriek Halal de la Brasserie Caulier de Péruwelz, sont certifiées Halal, par exemple.

Souvenez-vous que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et qu’une consommation modérée est conseillée.

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